À la veille du dépôt du Budget 2023-2024, le Mouvement Québec français (MQF) exhorte le gouvernement Legault à honorer sérieusement sa promesse de « renverser le déclin du français », en cessant de se faire le commanditaire béat, à même nos impôts, de la surcroissance effrénée des grandes institutions de langue anglaise au Québec, vecteur no 1 de l’anglicisation de Montréal.
À la lumière de nouvelles données accablantes mettant en évidence le déclassement de l’UQÀM par rapport à Concordia (à paraître dans L’Action nationale), le MQF presse les ministères concernés de régler une fois pour toutes l’iniquité historique à la source de ce phénomène délétère, soit l’avantage structurel, financier et, disons-le, colonial dont jouit l’anglosphère aux dépens de la francosphère au Québec. C’est là une injustice tenace – et encore largement tabou – que la Révolution tranquille n’a pas suffi à endiguer.
Un manque à gagner de 1,5 milliard $ pour les universités de langue française
Devant l’état de santé critique du français dans la métropole, il incombe à nos dirigeants d’élaborer sans attendre une stratégie budgétaire globale en vue de combler le déficit de « complétude institutionnelle » dont souffrent toujours nos universités françaises par rapport aux universités anglaises, en regard de notre réalité démolinguistique et des principes de la loi 101. Selon le chercheur Frédéric Lacroix, ce rattrapage s’évaluait, en 2017-2018, à environ 1,5 milliard $ par année. Pareil exercice s’impose également dans le secteur de la santé, où les établissements anglais, notamment le CUSM, héritent d’une part exorbitante du gâteau aux dépens du réseau hospitalier français qui, lui, tombe en morceaux. C’est sans compter le nombre grandissant de Québécois qui, de nos jours, peinent à se faire soigner dans la langue nationale… – Un scandale absolu.
Une discrimination institutionnelle
En 2017-2018, sur l’ensemble des subventions et des droits de scolarité engrangés par les universités au Québec, les établissements de langue anglaise recevaient une part équivalant à 3,7 fois le poids démographique des Anglo-Québécois. Ces revenus correspondaient à une valeur de 16 095$ par étudiant équivalent temps plein pondéré (EETP), comparativement à un maigre 12 507$/EETP pour les universités françaises, soit 28,7% moins. Toutes choses égales par ailleurs, cela signifie qu’un étudiant membre d’une université anglaise au Québec bénéficie d’une position nettement plus avantageuse, sur le plan structurel, qu’un étudiant évoluant en milieu francophone.
Il ne s’agit pas d’en vouloir aux universités anglaises elles-mêmes, mais plutôt à nos dirigeants politiques qui, à Québec comme à Ottawa, perpétuent volontiers cette injustice, au mépris du statut et de la vitalité institutionnelle du français, langue commune. C’est ainsi qu’en 2017-2018, les établissements de langue anglaise se sont vu accorder plus de 38% du total des fonds fédéraux destinés aux universités québécoises, soit 4,7 fois le poids démographique des anglophones. S’agissant des sommes reçues du gouvernement du Québec, ce quotient était de 2,5. En considérant uniquement les établissements sis dans l’île de Montréal, F. Lacroix a démontré qu’un étudiant fréquentant une université anglaise bénéficiait, en 2019-2020, de 56% de plus d’investissements en immobilisation accordés par Québec, qu’un étudiant inscrit à l’université française.
En 2019, suivant une décision du gouvernement Couillard, on a tout bonnement cessé de plafonner les droits de scolarité prescrits aux étudiants étrangers… Vu l’hégémonie de l’anglais comme langue universitaire à l’échelle internationale, McGill et Concordia n’en seront donc que plus riches. Du côté des universités françaises, le réflexe – proprement suicidaire – consiste, pour cette même raison, à accroître sans cesse l’offre de cours en anglais, au lieu de réclamer, comme il se devrait, la fin du surfinancement déloyal du réseau concurrent. Remarquez, cette posture velléitaire et démissionnaire de nos dirigeants universitaires n’a rien de si surprenant, lorsqu’on s’attarde un instant à leur profil économique et idéologique.
Une machine à angliciser
Ces dernières années, on a pu constater un accroissement spectaculaire du nombre d’étudiants étrangers inscrits dans les universités de langue anglaise, de 15 210 en 2015 à 20 736 en 2019, soit 36% en à peine quatre ans, selon le Ministère de l’Enseignement supérieur. C’est sans compter les milliers d’autres venus du ROC. Socialisés en anglais au cœur du Golden Square Mile, ces étudiants – pour la plupart non francophones, il va sans dire – sont de plus en plus nombreux à s’installer de manière permanente à Montréal. Or, selon Statistique Canada, un allophone ayant fait ses études supérieures en anglais au Québec est 6,5 fois plus enclin à travailler en anglais qu’un allophone ayant fréquenté le réseau postsecondaire français. S’ajoute l’attractivité croissante qu’exerce le secteur collégial et universitaire anglais sur les jeunes Québécois eux-mêmes, qui s’y inscrivent en masse, comme on le sait. En somme, tous les indicateurs pointent en direction d’un triomphe imminent de l’anglo-normativité dans la métropole, et de l’effondrement de la vitalité institutionnelle du français.
Pour ne pas donner raison à Durham…
Par la faute de nos dirigeants, qui ont complètement perdu de vue la dimension institutionnelle du combat national, Montréal se trouve aujourd’hui au point de bascule linguistique. Au-delà des discours éoliens de la CAQ sur l’amour de la langue, ce consentement servile à l’hypertrophie de l’anglosphère, dont le Québec français fait chaque jour les frais, contredit tous nos efforts de décolonisation déployés depuis le siècle dernier. Slowly but surely, c’est le rêve de Durham qui est en voie de s’accomplir, alors que ce devrait être celui de Laurin!
Pour se sortir de ce cauchemar, le MQF réitère la nécessité absolue que l’État du Québec se gouverne en fonction des objectifs suivants, qui ne peuvent désormais souffrir d’aucune concession :
– globalement, la garantie qu’au minimum, le poids démographique du français cesse de régresser par rapport à celui de l’anglais, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle de l’île de Montréal et de ses banlieues;
– le rétablissement de toutes dispositions de la loi 101 ayant été mises en échec par le régime canadien et ses tribunaux;
– l’extension des dispositions de la loi 101 en matière scolaire au niveau collégial;
– le règlement du déficit de complétude institutionnelle dont souffre la francosphère par rapport à l’anglosphère, suivant ce que nous venons d’exposer;
– l’exercice par le Québec de tous les pouvoirs en matière d’immigration, conformément à l’intérêt national;
– l’exercice par le Québec de tous les pouvoirs en matière de culture et de communication, idem;
– l’exercice par le Québec de tous les pouvoirs en matière de recensement, idem;
– l’observance de la loi 101 par l’administration fédérale et les entreprises fédérales sur le territoire québécois;
– la satisfaction de toutes les revendications traditionnelles du Québec vis-à-vis d’Ottawa;
– l’accession du Québec à l’indépendance politique, faute de l’atteinte de tous ces objectifs au cours du présent mandat.