| Lettre ouverte du regroupement Pour le cégep français |
Les grandes centrales syndicales doivent faire sauter les verrous stratégiques et idéologiques qui empêchent de débattre pour faire avancer l’idée d’étendre la loi 101 au collégial.
D’avril 2021 à septembre 2022, 41 syndicats d’enseignants, d’employés de soutien et de professionnels ont pris fermement position en faveur de l’extension de la loi 101 au collégial. Puis, la FNEEQ (CSN), la FEC (CSQ) et l’AQPF leur ont emboîté le pas.
Il est rare qu’un mouvement de la base progresse autant, et ce, aux quatre coins du Québec. Toutefois, des obstacles majeurs ont freiné cet élan sans précédent. Nous ne faisons pas ici référence à ceux qui soutiennent des positions opposées à la nôtre, ce qui est parfaitement légitime, mais plutôt à des entraves à la discussion, au débat, à la démocratie, et aux droits syndicaux les plus élémentaires.
Voici les gouttes qui ont fait déborder le vase. Ces faits, inacceptables, nous permettent de conclure que, de tacite et indirecte, l’opposition est devenue frontale.
Ce mois-ci, un conseil central de la CSN a refusé à deux enseignants le droit de se présenter pour faire valoir des propositions semblables à celles adoptées par les syndicats des 41 cégeps, de la FEC, de la FNEEQ et de l’AQPF. Ces délégués étaient pourtant dûment mandatés par l’assemblée générale de leur syndicat. Un tel refus constitue un déni flagrant du droit de soumettre au vote son point de vue au sein d’une instance pourtant censée le représenter.
En mars dernier, la CSQ a tenu le FranColloque, portant sur l’état du français dans l’éducation supérieure. Très peu de professeurs s’y sont présentés. La majorité des participants étaient issus de la machine syndicale. Curieusement, bien que la FEC ait officiellement pris position en faveur de l’extension de la loi 101 au collégial, cette question était la grande absente du programme.
Au printemps 2022, le journal en ligne d’un conseil central de la CSN qui avait d’abord accepté de publier l’un de nos textes a refusé à la dernière minute. Le débat autour de loi 101 au cégep, nous a-t-on répondu, serait un sujet qui « crée trop de division ». Tout à coup, la position majoritaire et démocratique adoptée par le conseil fédéral de la FNEEQ devenait inexprimable. Il s’agit là d’une atteinte à la liberté d’expression de membres en règle de ce syndicat.
Depuis 2021, plusieurs exécutifs syndicaux ont bloqué toute initiative provenant de leurs membres sous divers prétextes : enjeux plus urgents, délais et procédures dilatoires, voire refus d’ajouter des propositions à l’ordre du jour. Le mot d’ordre semblait consister à garder le silence sur cette question. En d’autres termes, à s’asseoir sur le couvercle de la marmite. Mais, dans les trois cas que nous venons d’évoquer, la ligne rouge a bel et bien été franchie : des droits syndicaux sont brimés.
Sacrifier le français pour acheter la paix
Tout se passe comme si les grandes centrales et leurs fédérations voulaient étouffer les braises d’un débat qu’elles considèrent comme une patate chaude. Au nom de la bonne entente avec un réseau de cégeps anglais surdimensionné, on préfère taire les aspirations légitimes des francophones préoccupés par la pérennité de leur langue et soucieux que cesse le déclassement du réseau français.
Les délégués des institutions anglaises montent rapidement à leurs créneaux pour protéger les acquis qu’entraine leur expansion continue. Ils savent hausser le ton dès qu’une mesure pourrait les priver d’un millimètre du terrain linguistique gagné depuis 1995.
De leur côté, nos centrales se trouvent en ce moment sur la brèche pour tenter d’atténuer l’impact de l’application de la loi 96 sur les cégeps anglais. Bien. Mais leur devoir leur commande aussi d’être proactives, et de revendiquer davantage pour le français que les miettes que la CAQ a consenties pour freiner le recul de la langue commune des Québécois.
Jusque-là, nous avions encaissé tous les coups et les refus avec patience et retenue.
Nous réclamons aujourd’hui de la CSN et de la CSQ qu’elles fassent sauter les verrous stratégiques et idéologiques contre les défenseurs de la loi 101 au collégial. Le respect le plus élémentaire de la démocratie syndicale exige une consultation qui permettra aux membres de toutes les fédérations affiliées de se prononcer sur cette mesure déjà appuyée par les syndiqués de la FNEEEQ et de la FEC.
Affiliés FNEEQ-CSN :
Jean-François Vallée Aïcha Van Dun
Sébastien Mussi
Affiliés FEC-CSQ :
Georges-Rémy Fortin
Nicolas Bourdon
Stéphane Beauregard