« La loi 101 au postsecondaire, pourquoi pas? » – C. Castonguay

04 novembre 2025

[Pour lire la version intégrale de ce texte de Charles Castonguay paru récemment dans L’Aut’journal, cliquez ici.]

Ayant fermé les yeux sur l’assimilation, le commissaire à la langue française ne voit pas la nécessité d’étendre la loi 101 aux études postsecondaires. Il importe cependant d’examiner aussi les raisons que Benoît Dubreuil présente dans son rapport pour justifier une autre approche.

Une cible au rabais

Selon Dubreuil, « Il est difficile de déterminer de manière objective la place que l’anglais devrait occuper dans l’enseignement supérieur ». Ça commence très mal.

La loi 101 vise à faire du français notre langue commune. C’est pour cela qu’elle a rendu l’école française largement obligatoire. Le droit à l’école anglaise constitue un régime d’exception, limité pour l’essentiel aux anglophones de souche. À moins de reléguer le français au rang de langue infantile, selon le mot de Marc Chevrier, le principal objectif de la loi 101 invite à proportionner de la même manière l’enseignement postsecondaire.

Bernard Landry a rappelé que les concepteurs de la loi 101 avaient en effet envisagé de l’appliquer au cégep. Ils ont toutefois décidé de mettre l’idée sur pause, en attendant de voir si la fréquentation accrue des écoles françaises conduirait une proportion semblable d’étudiants à choisir le cégep français. Mal leur en prit.

« La proportion actuelle, poursuit Dubreuil, où 22,4 % [des étudiants fréquentent un cégep ou une université de langue anglaise] nous apparaît trop élevée […] Néanmoins, nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire, pour stabiliser la situation du français et consolider sa place comme langue commune, de ramener la place de l’anglais dans l’enseignement supérieur à celle qu’il occupe dans l’enseignement primaire et secondaire, qui est en baisse continue depuis l’adoption de la Charte de la langue française et qui se situait en 2021-2022 à moins d’un étudiant sur 10 (8,8 %). »

L’école anglaise n’est pas en baisse continue depuis 1977. Sa part d’élèves a d’abord descendu à 9,6 % en 1992-1993, puis remonté jusqu’à 11,0 % en 2004-2005, avant de redescendre à 8,8 % en 2021-2022. À ce moment-là, la proportion d’ayants droit à l’école anglaise s’élevait d’ailleurs à 9,5 %. La loi 101 n’est donc pas aussi vilaine que le commissaire ne veut le laisser entendre.

D’autre part, Dubreuil peut bien croire possible d’assurer le caractère français du Québec sans étendre la loi 101 au postsecondaire. Sauf qu’en l’absence du moindre argument à l’appui, sa croyance ne demeure rien de plus qu’une opinion. Qu’importe, cela lui suffit comme raisonnement. « Pour cette raison [sic], nous proposons une cible mitoyenne [de 85 % d’enseignement en français] qui permettrait d’assurer la prédominance du français […] tout en [accordant] à l’anglais un espace raisonnable. »

Pourquoi 85 % d’enseignement en français ? Cela signifie 15 % en anglais. Un chiffre à mi-chemin du 8,8 % de l’anglais au primaire et au secondaire, et de son 22,4 % au postsecondaire. L’opinion de Dubreuil revient tout bêtement à couper la poire en deux.

Notons aussi comment, à partir de buts en ligne avec la loi 101, stabiliser la situation du français et consolider sa place en tant que langue commune, le discours du commissaire glisse aussitôt après vers des objectifs moins forçants, comme garantir la simple prédominance du français ou assurer à l’anglais un espace raisonnable. Fut-ce au prix de fragiliser le français.

Une approche trompeuse

Pour atteindre son 85 %, qu’il qualifie de « cible ambitieuse », Dubreuil recommande, entre autres, l’enseignement en français d’un certain nombre de cours dans les universités anglaises. Pourtant, le commissaire lui-même admet que cette mesure « ne transformerait pas radicalement les préférences linguistiques des jeunes les plus attirés par l’anglais ». Il reconnaît en outre qu’au contraire, la langue de l’établissement dans laquelle l’étudiant fait son cégep ou son bac « exerce bel et bien un effet non négligeable » sur sa langue de travail ultérieure.

Or, la loi 101 prescrit au commissaire de recommander dans son rapport des mesures qui contribuent à une évolution favorable au français comme langue commune. Voici que, de son propre aveu, son 85 % n’accote pas, en matière de langue commune, 85 % d’enseignement supérieur dans un établissement de langue française. Et encore moins l’extension de la loi 101 au cégep et au bac. Bref, l’approche Dubreuil est du toc.

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