Entretien radiophonique – Pas assez d’affichage en anglais à Montréal?

01 septembre 2015

ÉRIC BOUCHARD | 98,5 FM | 01/09/2015

Les droits des anglophones et l’importance de l’anglais! Hier, le quotidien La Presse nous apprenait que des conseillers municipaux et des citoyens réclamaient des commerçants, qui font des affaires dans des quartiers montréalais où se concentrent les anglophones, qu’ils affichent systématiquement en anglais en plus de l’affichage déjà présent en français. En se basant sur la Charte de la langue française (loi 101), ils réclament qu’Esso et autres détaillants qui affichent actuellement uniquement en français ajoutent de l’anglais en respectant la nette prédominance du français tel que stipulé à l’article 58. Les anglophones, comme groupes linguistiques, ont conscience de leurs intérêts et de leurs droits et prennent tous les moyens pour aller chercher pouce par pouce, année après année, du terrain en matière linguistique.

Si les anglophones sont aussi informés, férus et combatifs comparativement aux francophones, c’est que les journalistes des médias anglophones ne laissent rien passer en la matière. Pour ne donner  qu’un exemple, le 18 septembre 2013, le Mouvement Québec français a organisé avec les grandes centrales syndicales et des organisations de la société civile un rassemblement sur la place des Festivals où 400 personnes ont illuminé le ciel de Montréal en formant un énorme 101. Tous les médias étaient  invités à couvrir l’événement qui était à la fois artistique et familial.  Résultat : toutes les chaines de télé anglophones ont parlé de l’événement, nous avons ouvert le bulletin de CBC news, alors que nous avons été ignorés du côté français.

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Amis journalistes francophones, pourquoi votre intérêt pour la langue n’est-il pas proportionnel à l’urgence d’agir? Sans même vous intéresser aux nombreuses études qui expliquent comment et pourquoi le Québec s’anglicise, n’entendez-vous pas les conversations qui vous entourent sur la place publique être de plus en plus nombreuses en anglais? Pourquoi est-ce plus important que jamais que vous portiez votre attention sur le dossier? Il y a plusieurs facteurs depuis 20 ans qui font que l’environnement institutionnel, démographique, commercial, culturel et éducatif est moins favorable au français. Lorsqu’on mélange ces éléments d’appauvrissement du fait français au Québec, l’anglicisation s’accélère.

Chaque année, 40% des 50 000 immigrants reçus n’ont aucune connaissance du français. C’est 20 000 personnes qui n’ont pas l’obligation d’apprendre le français, car ce n’est pas obligatoire, ni absolument nécessaire puisque l’État québécois rend disponible l’ensemble de ses services en anglais comme en français. Si je peux recevoir mon permis de conduire et ma carte d’assurance, faire mon rapport d’impôt et recevoir tous les services médicaux en anglais, pourquoi apprendrais-je le français? Si l’État ne donne pas l’exemple et n’oblige pas le nouvel arrivant à communiquer avec lui en français, ce dernier ira travailler probablement en anglais où il aura une influence sur la langue parlée avec les collègues et les clients.

Ensuite, il ira chercher son nouveau téléphone cellulaire où il s’exprimera en anglais au commis de chez Vidéotron où les exigences de la connaissance de la langue anglaise pour y travailler seront élevées, logique de clientèle oblige. Pour s’informer à son retour, notre ami immigrant ne vous regardera pas à la télévision, ne vous écoutera pas à la radio et ne vous lira pas puisqu’il ne parle pas le français. Enfin, avant de se coucher, il fera comme plusieurs francophones et regardera ses séries en rafale sur Netflix parce que c’est accessible, facile, divertissant et sans limites. Il sera donc coupé du Québec culturel francophone.

Tout ça explique pourquoi le poids démographique des francophones baisse plus vite que celui des anglophones et pourquoi seulement un peu plus d’un immigrant sur deux qui fait un transfert linguistique le fait vers le français alors qu’au Canada anglais 99% des transferts linguistiques se font vers l’anglais. J’ai hâte de vous entendre  parler de moyens concrets et structurants pour pérenniser notre particularité qui participe à la diversité linguistique et culturelle du monde. Actuellement, il y a 6000 langues parlées dans le monde et la moitié de ces langues auront disparu au tournant du prochain siècle. Les conditions sont en place pour que ça nous arrive aussi. Le français que nous parlons avec ses accents haïtien, maghrébin, hispanophone, anglophone, sénégalais et autres ne mérite-t-il pas de redevenir une priorité? Ainsi, tout comme les anglophones le font fièrement et sans gêne parce que c’est leur intérêt, il se pourrait que francophones et allophones francisés se mettent collectivement à vouloir reprendre le terrain perdu.

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