Nous vous invitons fortement à lire et à relayer ce texte important des chercheurs Marc Chevrier et Frédéric Lacroix en réponse au récent rapport du Commissaire Dubreuil qui, chose étrange, fait l’impasse sur la nécessité d’étendre la loi 101 au cégep.
Pour lire la recension qu’en a fait Joseph Facal dans le Journal de Montréal, cliquez ici.
Pour consulter la version intégrale du texte de messieurs Chevrier et Lacroix, publié dans le blogue de ce dernier, cliquez ici.
En voici un extrait :
La loi 101 au cégep, insuffisante mais nécessaire
Frédéric Lacroix et Marc Chevrier
Depuis plusieurs années, un large consensus social s’est progressivement cristallisé en faveur de l’application des clauses scolaires de la Charte de la langue française au niveau collégial. La coalition qui appuie désormais cette mesure va de Guy Rocher à Christian Dufour, en passant par Gilles Duceppe, Elsie Lefebvre, Carl Vallée, Emmanuelle Latraverse et Normand Baillargeon.
Fait encore plus significatif, grâce à un mouvement de professeurs de collégial (« Pour le cégep français »), les syndicats locaux de 41 cégeps (sur 48) ont adopté des propositions réclamant l’extension de la loi 101 aux cégeps. Avec une très large mobilisation partant de la base, ces professeurs ont réussi à faire basculer la FNEEQ-CSN et la FEC-CSQ, deux syndicats jusqu’alors farouchement en faveur du statu quo.
Une nette majorité de la population soutient (55 % pour, dont 69 % chez les francophones) également cette mesure, incluant les jeunes !
Alors que le fruit semble plus mûr que jamais, il est donc étonnant de voir le Commissaire à la langue française prendre position sur la question comme il le fait dans son dernier rapport (« Le français comme langue commune. Comprendre le recul, inverser les tendances ») qui contient une recommandation (la sixième) qui touche le régime linguistique de l’enseignement supérieur et qui écarte d’emblée l’application de la loi 101 au cégep.
En faisant des recommandations à l’Assemblée nationale sur les mesures propres à créer une « évolution favorable à la langue française comme langue commune », le Commissaire remplit son mandat législatif, qui consiste, outre à documenter l’évolution linguistique du français au Québec, à évaluer les effets de la politique linguistique québécoise et à proposer des changements à celle-ci. Autrement dit, il est plus qu’un statisticien de la langue, c’est également un évaluateur de politique et un quasi-législateur. Le commissaire a excellé jusqu’ici dans la première dimension de son mandat ; les études démolinguistiques qu’il a commanditées ont apporté des éclairages pénétrants sur la condition du français au Québec.
Le Commissaire a cependant choisi, et c’est son droit, de proposer une solution de son cru au problème de l’anglicisation par l’enseignement supérieur anglais. Cette solution multiplie les mesures administratives dans l’espoir que le cumul des mesures au postsecondaire en vienne à peser sur le portrait d’ensemble et rehausse la vitalité du français.
L’objectif de ces mesures administratives serait « d’assurer la prédominance du français dans l’enseignement supérieur, y compris à Montréal, tout en reconnaissant l’importance d’accorder à l’anglais un espace raisonnable ». Selon le Commissaire, le moyen d’assurer cet objectif de prédominance serait de fixer « une cible de 85 % d’enseignement en français dans l’enseignement supérieur dans le but d’y accroître progressivement la place de cette langue ».
D’emblée, il faut souligner que l’objectif de la politique linguistique québécoise n’a jamais été « d’assurer la prédominance du français » ou « d’accorder à l’anglais un espace raisonnable » mais de faire du français la « seule langue commune » de la nation québécoise et la langue « normale et habituelle » de l’enseignement (voir le préambule de la Charte de la langue française). La notion de « prédominance » nous vient de la Cour suprême du Canada et a été utilisée pour faire sauter les dispositions de la Charte concernant l’affichage unilingue français. La notion de prédominance n’est rien d’autre que le bilinguisme sous des habits neufs. Il est surprenant, à notre avis, de voir le Commissaire embrasser ainsi sans recul critique la notion de prédominance issue de la Cour suprême du Canada, alors que dans les faits, le français est déjà numériquement prédominant dans le secteur universitaire, puisque, comme le note le Commissaire, les établissements anglais attirent 25,4 % des effectifs étudiants totaux.
Le concept de prédominance cerne mal ce dont souffre le secteur postsecondaire français au Québec, qui accuse un sous-développement chronique par rapport au poids réel de la population de langue française au Québec et à la surcomplétude des établissements anglais relativement au poids démographique de la communauté anglophone au Québec.
Il y a de bonnes raisons de croire que cette proposition du Commissaire raterait l’objectif de faire du français la langue commune. Plusieurs raisons nous conduisent à cette conclusion :
[Pour connaître ces raisons, consultez la version intégrale de ce texte dans le blogue de Frédéric Lacroix, en cliquant ici.]