Olivier Faucher, Le Journal de Montréal, 6 mai 2022
La distribution d’une affichette d’information en anglais seulement par la Ville de Montréal est dénoncée de toute part, entre autres par le gouvernement Legault pour qui la situation est «inconcevable».
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«On entend beaucoup parler récemment du recul du français à Montréal. Je n’étais pas trop témoin de ça dans mon quartier. Mais là ça m’est un peu arrivé comme une claque dans la face», témoigne Olivier Deraiche.
Le résident de Hochelaga-Maisonneuve n’en revenait tout simplement pas lorsqu’il a découvert sur sa poignée de porte, hier après-midi, un avis d’information sur le remplacement d’une conduite d’eau dans son quartier rédigé en anglais seulement par la Ville de Montréal.
«Au début, je n’y croyais pas. Je virais le papier des deux bords en disant : voyons, ça doit être écrit en français. Ben non!»
La Ville de Montréal a l’obligation de rédiger tous ses documents dans la langue de Molière, comme le lui impose la Charte de la langue française.
«C’est contraire à la Charte et c’est une situation qui ne doit pas se reproduire, constate Louise Harel, présidente du comité sur la langue française de la Ville. Il n’est pas censé y avoir des communications dans une autre langue que le français, à moins que le citoyen ne le demande.»
Mme Harel fait savoir qu’elle fera un suivi sur cette situation.
La Ville blâme un entrepreneur
Même si elle a bel et bien produit le document dénoncé par M. Deraiche, la Ville de Montréal plaide en disant que c’est l’erreur d’un entrepreneur responsable du chantier qui a mené à ce cafouillage, car c’est lui qui se charge de distribuer ce type d’avis.
«Dans cette situation, l’entrepreneur avait bien accès aux documents dans les deux langues, soutient Alicia Dufour, attachée de presse au cabinet de la mairesse de Montréal. Nous rappelons activement aux entrepreneurs leur responsabilité de cette communication et avons fait les suivis nécessaires concernant cette situation précise.»
Le cabinet a précisé que les documents en anglais existent « au besoin » pour les cas impliquant la santé et la sécurité des citoyens.
De son côté, M. Deraiche a écrit à l’Office québécois de la langue française ainsi qu’au conseil municipal pour se plaindre de la situation, afin qu’elle «ne se reproduise plus».
«Inconcevable»
Le cabinet du ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barette, a déclaré qu’il est «inconcevable que ce genre de situation se produise au Québec».
«La Ville de Montréal doit être exemplaire dans son usage de la langue officielle et commune, le français, a déclaré son attachée de presse, Élisabeth Gosselin. C’est ce que les citoyens attendent d’elle. C’est son devoir, devoir que nous allons d’ailleurs renforcer avec l’adoption du projet de loi 96 [qui réforme la loi 101].»
Pour sa part, le président du Mouvement Québec français, Maxime Laporte, qualifie cet événement «d’autant plus désespérant», compte tenu de l’espace qu’a occupé la réforme de la loi 101 à l’Assemblée nationale et dans l’actualité dans les derniers mois.
«Malgré tout, il se trouve des fonctionnaires et des cadres pour autoriser ce genre d’outrage», dénonce-t-il.
160 PLAINTES DEPUIS 2010
Depuis 2010, l’Office québécois de la langue française a reçu 160 plaintes recevables visant la Ville de Montréal pour son non-respect de la loi 101, selon des données obtenues par Le Journal. La vaste majorité d’entre elles concernaient la langue de l’affichage (84) et la langue de la documentation (53).