« Loi 101 au cégep : tirer la conclusion qui s’impose »
– Le Regroupement pour le cégep français (RCF)
Faire preuve de cohérence
Benoit Dubreuil, le Commissaire à la langue française nous apprenait récemment qu’un étudiant qui a fait son cégep en français a 88% de chances de travailler en français, contre 70% s’il a fait son cégep en anglais. Cela plaide en faveur de l’extension de la loi 101 au cégep.
Pourtant, le Commissaire recule devant la conclusion qui suit logiquement de ses propres données : il affirme que la loi 101 au cégep est légitime, mais non nécessaire. La loi 14 (PL96) suffit-elle? Non, puisque ses propres analyses démontrent que la situation du français continue de se dégrader. Le Commissaire propose donc un grand nombre de nouvelles mesures pour protéger le français. Plusieurs d’entre elles sont bonnes, mais pourquoi ne pas commencer par la plus évidente?
Abstraction et langue du management
Au centre de ces propositions se trouve l’idée de fixer à 85% la proportion souhaitable du français dans l’enseignement supérieur. Pour y arriver, il faudrait privilégier une adaptation à chaque institution, surtout aux universités anglophones, et laisser une grande flexibilité à leurs dirigeants pour augmenter la présence du français. Le Commissaire verse dans la langue du management! Un plan taillé sur mesure pour que rien ne se passe.
Un gain d’un certain pourcentage de français dans un milieu universitaire anglophone où le français n’est jamais largement ni durablement utilisé est plus théorique que réel. Ce qui s’accroîtrait ainsi est un usage du français comme langue seconde, occasionnelle, non le français comme langue commune.
Si on quitte un instant les tableaux de chiffres, on se rendra compte que l’anglais est devenu dans plusieurs écoles la langue d’usage de nombreux francophones et allophones. Face à l’urgence linguistique, la haute voltige intellectuelle doit faire place à l’action.
Une loi qui entretient la frustration
Quand on connaît la psychologie adolescente, on comprend que la loi 14 (PL96) qui laisse la possibilité à un certain nombre de non-anglophones d’aller au cégep en anglais crée un puissant incitatif à planifier des études dans cette langue. L’espoir d’étudier en anglais est entretenu.
De plus, la complexité de la loi 14 crée un régime linguistique à plusieurs vitesses qui ne peut qu’engendrer un sentiment d’injustice chez de nombreux jeunes qui se demandent pourquoi eux n’ont pas pu aller au cégep en anglais, alors que d’autres le peuvent.
Contrairement à la loi 101, la loi 14 est vouée à la contestation perpétuelle, même chez les francophones.
La loi 101 : une loi efficace et juste
Le génie de Camille Laurin, à qui on doit la loi 101, a été d’allier un sens de la psychologie humaine à celui de la justice. Elle est applicable et équitable.
Au contraire, la loi 14 est un monstre juridique inapplicable en raison de sa trop grande complexité et de ses innombrables exceptions et spécifications. Les dernières recommandations du Commissaire à la langue française ont le même défaut.
Guy Rocher suggère depuis longtemps d’étendre la loi 101 jusqu’au baccalauréat. Voilà de l’ambition! L’étendre au cégep, comme nous le proposons, est un minimum.
Cela donnerait l’élan nécessaire pour d’autres actions, comme légiférer sur la découvrabilité numérique. Il faut, pour cela, avoir un sens du réel qui permet de savoir quoi faire avec les montagnes de données qui s’accumulent depuis trop longtemps sur le déclin du français.
Membres du Regroupement pour le cégep français (RCF) cosignataires de la lettre :
Georges-Rémy Fortin, Collège de Bois-de-Boulogne
Aïcha Van Dun, Cégep de Lanaudière à L’Assomption
Jean-François Vallée
Sébastien Mussi, Collège de Maisonneuve
Nicolas Bourdon, Collège de Bois-de-Boulogne