Non, le Canada n’est pas un pays bilingue

08 avril 2019

Dans le contexte canadien et nord-américain, la langue française est perçue comme une langue utile. On ne la reconnaît pourtant pas comme essentielle. Le bilinguisme institutionnel avantage toujours l’anglais, mais rarement, voire jamais le français à l’extérieur du Québec.

MQF – 08 avril 2019

 

Non, le Canada n’est pas un pays bilingue! Le mythe selon lequel le Canada serait un pays « anglo-franco » est si tenace que, malgré les faits attestant le contraire, le discours politique le « reconnaît et le voit » toujours comme un pays bilingue.

Le dernier sondage Léger [1], réalisé pour La Presse canadienne, révélait que « mis à part les Québécois, les Canadiens des autres provinces semblent se soucier peu du bilinguisme au pays […] ». Dans un tel contexte, comment le Canada peut-il « se reconnaître et se voir » comme un pays bilingue, alors que les provinces du ROC « semblent se soucier peu du bilinguisme au pays […] »?

L’un des éléments frappants de ce sondage réside dans le fait que plus les répondants vivent éloignés du Québec, moins ceux-ci accordent de l’importance au bilinguisme. Ce facteur est strictement géographique, et ce qui en résulte est concret. Que 36 % des plus jeunes estiment que le bilinguisme n’est pas important constitue un autre élément qui s’ajoute à de nombreux faits qui, un jour ou l’autre, finiront par déboulonner ce mythe.

Pourquoi est-ce un mythe? Le français hors Québec est d’abord une langue de services publics fédéraux, c’est-à-dire un mode de communication alternatif à la langue anglaise.

Malgré son statut de langue officielle, le français s’avère complètement écrasé par la langue anglaise qui s’impose comme lingua franca à l’intérieur du gouvernement fédéral.

La réalité est qu’au Canada, le gouvernement fédéral tout comme 12 des 13 provinces et territoires du Canada ont l’anglais comme langue officielle ou co-officielle. Seul le Nouveau-Brunswick (environ 750 000 de population) est officiellement bilingue. Les trois territoires du Canada (environ 110 000 de population) ont, quant à eux, plusieurs langues officielles. Au Québec, seul État unilingue français au sein du Canada, la langue anglaise bénéficie d’un statut particulier.

Dans le monde compétitif des cultures et des langues, une langue ne peut s’établir et vraiment prospérer sur un territoire que si elle bénéficie de la puissance et du prestige des institutions publiques, comme les écoles, les universités, les ministères, les municipalités, les bibliothèques, etc. Mis à part les quelques 700 écoles primaires et secondaires de langue française, dont 80% (550 écoles) sont établies en Ontario et au Nouveau-Brunswick, provinces voisines du Québec, quelles sont les autres institutions qui participent au rayonnement de la langue française sur le territoire du « Rest of Canada »? Quelles sont les plus prestigieuses institutions de langue française dans les provinces canadiennes de langue anglaise? Le campus St-Jean de University of Calgary? L’Université de Saint-Boniface? L’Université bilingue d’Ottawa? Ces institutions sont si peu nombreuses qu’il est possible de les compter sur les doigts d’une seule main.

En définitive, le bilinguisme au Canada traduit davantage un souhait qu’une réalité. Le français hors Québec est avant tout un accommodement offert « là où le nombre le justifie » par le gouvernement fédéral à des communautés francophones sur le territoire.

Les services fédéraux de même que les écoles primaires et secondaires ne sont, finalement, que des éléments de séduction pour inciter une immigration francophone qui finira possiblement par prendre le couloir assimilateur de l’« anglosphère » nord-américaine.

Ce grand « souhait » qu’est le bilinguisme au Canada n’est que la résultante d’une loi sur les langues officielles adoptée en 1967 par un gouvernement fédéral en réaction à la montée en force fulgurante du Québec au cours des années 50 et 60 ; le Québec était alors porté par des aspirations nationales de devenir un État de langue française en Amérique. Quoiqu’en disent les fervents promoteurs du bilinguisme canadien, le Canada « anglo-franco » ne peut se matérialiser, car il n’y a pas de politique à cet effet qui tienne présentement la route.

[1] https://www.lesoleil.com/actualite/les-canadiens-du-roc-se-preoccupent-peu-du-bilinguisme-d97bac1e1547e495f27ace2f965d76f2

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